Populus nigra (peuplier noir)
Il s’abandonne au flux, au pouvoir du fleuve, à l’expression des flots. Précipité de l’élément air vers l’élément eau, il réalise le destin d’un arbre de rive : longtemps agitées par la brise, désormais ses branches sont tourmentées par les remous. Dans la profondeur trouble des moirés et des tourbillons il est soumis à une force étale, absolue, obstinée. Il perce ainsi le secret des rides et des clapotis qui bercèrent son existence – l’assoupirent, ou parfois la forcèrent.
Un jour de crue, quitter la berge et s’aventurer sur ce tronc abattu, en surplomb, c’est avancer sur une jetée en partance. On s’y inquiète de ressentir des secousses sourdes – mystérieux séismes hors sol, coups portés sur une mâture submergée qui semblent annoncer l’acte final de la rupture, de l’arrachement.
Si bref que puisse être le voyage, puisqu’un proche barrage menace, cet arbre reste voué à la dispersion. À voguer en miettes, puis à s’échouer sur une grève, en fragments pétris par la dérive et qui nous interpellent par un récit muet et turbulent. Bois flottés qui se magnifient en dénudant leurs cernes, épurés par le fil d’un courant qui leur fait remonter le temps.
Ainsi, de l’enracinement au périple, l’apport d’un arbre à la fluidité, à la légèreté, à l’impermanence.
(Ou l’arbre rendu à ses antipodes !)
Texte extrait du catalogue « Parcours Art & Nature sur l’île Nancy », Andresy (Yvelines) été 2012.
À lire au pied de l’arbre !
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