Ailanthus altissima (ailante)
C’est un voyageur : l’ailante, alias « faux vernis du Japon », ou encore « arbre du ciel ». Son nom contient des envols, mais il désoriente par l’annonce d’une fausse ascendance, otage d’aubes confisquées. Originaire de Chine et introduit en Europe suite à une confusion avec l’arbre à laque – le vrai « vernis du Japon » – ce monte en l’air est un passager clandestin de la botanique, qui n’a pas tardé à révéler son caractère ingrat et intrusif (comprendra qui cherche à se débarrasser d’un ailante dans son jardin !).
Symétrique et léger son fruit – une samare – est une aile en forme d’œil mais aussi de barque, le renflement central de la graine figurant la cabine arrondie d’où piloter un rêve de pharaon microscopique et solaire. Cela induit pour cet arbre la possibilité de s’être transporté sur l’île par la voie des airs et un jour de s’en échapper par le fleuve.
Arbre dit « du paradis », celui-ci est né fourchu, scindé dès sa sortie de terre en deux brins distincts qui devenus troncs se soudent au fil des ans. Plaqués l’un contre l’autre par l’effet d’une croissance siamoise, ils ne se désunissent brièvement que pour mieux se rejoindre et s’étreindre encore, emmêlant quelques branches basses.
L’arbre alors, par l’étalage tranquille d’une forme d’anthropophagie ligneuse ou d’inceste végétal, par la manifestation d’un narcissisme morbide puisqu’il oblige à l’absorption mutuelle, la dévoration, l’assimilation physique et extatique de l’autre, en conclusion d’un long préalable d’irritations et de frottements pernicieux, l’arbre donc, cet arbre là, s’offre à revêtir les oripeaux impudiques de nos pensées les plus vagabondes.
L’écorce épouse ces fantasmes. De texture fine, marquetée de losanges, elle se plisse aux jointures comme une peau froide et lisse, semblant contenir une vie reptilienne plutôt que végétale, et abriter un corps animé d’appétits et de pulsions.
Un corps immobile pourtant, enraciné dans l’inertie et l’absence de désir, soumis à l’absolu du temps qui contraint et lentement étouffe, fige, emprisonne.
Un corps transi dans une passion de bois.
Texte extrait du catalogue « Parcours Art & Nature sur l’île Nancy », Andresy (Yvelines) été 2012.
À lire au pied de l’arbre !
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